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06/05/2012

Jean-Marc Cardon raconte Artima, la belle endormie

 

 

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Merveilleux conteur, Jean-Marc Cardon se délecte de lectures, de rencontres passionnées et de légendes régionales. Il voudrait mettre à l'honneur la maison d'édition Artima, glorieuse fille de Tourcoing, dont les BD ont enchanté l'imaginaire des enfants d'avant la télé. MATHILDE ESCAMILLA > correspondante locale.  Il aime se costumer façon XVIIIe siècle et raconter les moments forts de l'histoire de la région. Dans sa rue hellemmoise, aux façades typiques qu'il admire, il se plaît à voyager dans le temps et à digresser sur les textes et ritournelles d'Alexandre Desrousseaux, le père de L'Canchon Dormoire. Perruqué, enveloppé d'une cape, chapeauté d'un tricorne, Jean-Marc Cardon est sacrément féru d'histoire locale qu'il conte avec bonheur. Il exhume et dépoussière les faits et légendes du cru qu'il partage en public sous les traits du fameux Brûle Maison, comédien de rue du siècle des Lumières, honni des Tourquennois tant il a raillé la cité des Broutteux.  Meteor, Cyclone, Sidéral...  Le nouveau Brûle Maison a gardé la pétillance de son ancêtre, mais il n'exerce plus son talent aux dépens de Tourcoing, ville pour laquelle il se découvre de tendres sentiments. Depuis le début de l'année, Jean-Marc Cardon a un bureau dans la tour Mercure. Il se plaît à observer la vue qui s'offre du 15e étage. De son piédestal, il suit, tout à loisir, le tracé du boulevard Gambetta. Le passé a disparu. Au numéro 357 existait la maison d'édition Artima. Qui s'en rappelle ? « Une adresse célèbre dans les années 50-60 grâce aux millions de bandes dessinées qu'elle publiait. Mon père m'avait promis de m'emmener y faire un tour. Ça ne s'est jamais concrétisé », regrette Jean-Marc Cardon. 

Meteor, Cyclone, Aventures fiction, Sidéral, Tarou, « un pseudo Tarzan »... Des titres qui ont inondé son enfance. « Comme il n'y avait pas la télévision, on lisait tout Artima. C'était un phénomène. On appelait ça les P'tits Mickeys. Très inégal en qualité ». Des numéros extrêmement fins, taille magazine puis format Poche. Les couvertures explosaient de couleurs, mais le contenu était noir et blanc. « Ça donnait envie. Les couvertures accrochaient, elles étaient en avance sur leur temps ».
Jean-Marc Cardon replonge en enfance avec l'agilité du conteur. Une scène lui revient. C'était la fin de l'année scolaire, le premier de la classe avait apporté un numéro de Sidéral, au grand dam de l'instituteur. « C'était très mal vu », explique-t-il. « Au contraire, c'était une formidable machine à fabriquer du rêve. Le professeur Spencer nous emmenait dans sa fusée ». Cela ne l'empêchait pas de lire autre chose : « A l'époque, l'oeuvre de Jules Verne sortait en Poche ».
Le troc se pratiquait beaucoup. Les numéros ne terminaient pas au fond d'un placard, ils passaient de l'un à l'autre indéfiniment. « Au marché de Wazemmes, il y avait un endroit où l'on pouvait acheter et échanger. Les exemplaires les plus recherchés étaient ceux qui regroupaient quatre numéros attachés ensemble. Aujourd'hui, ça vaut 40 euros ».
Il n'est pas collectionneur, mais Jean-Marc Cardon aimerait retrouver un numéro des années 60 dans lequel un ordinateur résout les problèmes d'un jeune garçon. Il ne sait plus s'il s'agissait d'un Sidéral ou d'un Aventures fiction. « Tous ces illustrés nous promettaient un futur exaltant.
C'était très lié au contexte historique ».
Artima a marqué un âge d'or qui mériterait un hommage. Jean-Marc Cardon imagine une thèse de sociologie, une exposition, un nom de rue... Il conclut : « Il y a un moyen de faire quelque chose de formidable. Tourcoing a une légitimité pour cela. Plein de gens vont se retrouver dans cette culture populaire ». Une belle idée mobilisatrice pour un passé qui se cherche un avenir. Retrouvez Jean-Marc Cardon sur son blog : 
http://brule-maison.nordblogs.com/